Voiture électrique
Pour aujourd’hui ou demain ?
Avis personnel d’un motoriste chez ShifTech :
Bien qu'étant préparateur, je me suis toujours demandé si un jour le véhicule électrique allait pouvoir me séduire. En fait, la discussion au sujet du véhicule électrique, on l'a eue très tôt à la maison, mais celle-ci était souvent tournée sous la moquerie. D'ailleurs, lorsque j'étais petit, mon parrain, fan d'automobile, me charriait en disant : .. c'est tout de même dommage, quand tu auras ton permis, il n'y aura plus que des véhicules électriques, jamais tu n'auras le plaisir de rouler à l'essence.
Hanté par l'idée de devoir rouler à l’électrique, j'ai toujours été un fervent défenseur du moteur thermique. Le compte à rebours lancé, j'ai voulu profiter d'un maximum de rallyes où je n'avais d'oreilles que pour les Porsche ou les BMW avec leur moteur 6 cylindres typiques. J'ai aussi l'impression qu'à l'époque, on ne se tracassait de rien, les voitures faisaient un bruit fou, les pilotes étaient plus tarés les uns que les autres et les gens eux aussi, inconscients de rester si près de la route. Bref, bercé par l'automobile depuis le plus jeune âge, jamais un seul instant je n’aurais pu concevoir qu'un jour on puisse réellement rouler en véhicule hybride ou électrique. Lorsque j'ai vu les premiers modèles hybrides, j'ai d'ailleurs été plutôt rassuré. Souvenez-vous de la Toyota Prius ou encore la Honda Insight Hybrid, on avait encore de beaux jours devant nous.
Puis est arrivé la Tesla, pas la première du nom car une électrique pour du circuit ne pourra jamais me convaincre, non, je parle bien de la seconde, vous voyez, celle qui ressemble finalement à une voiture conventionnelle. C'est avec cette voiture que je me suis dit, finalement, pourquoi pas. Vient alors une série de questions par rapport à tout cela.
Est-ce que rouler en véhicule électrique ferait de moi un être meilleur, plus responsable, ou ça ne changerait rien du tout ?
Répondre à cette question était loin d'être simple car, ayant l'esprit assez cartésien, il me fallait plus qu'un "rouler en électrique c'est bien". Voici pourquoi, pour m'aider à éventuellement franchir le pas, je savais qu'il était nécessaire de prendre en compte une série de paramètres, afin de connaitre l'empreinte carbone globale de l'électrique face au thermique. C'est finalement un article paru récemment sur une Tesla Model S taxée à Singapour pour ses émissions de CO2, qui m'a amené à pousser davantage ma réflexion personnelle sur l'électrique.
Pour avoir un avis objectif, je me suis appuyé sur quelques publications afin de pouvoir comparer électrique et thermique dans son ensemble. Une récente publication de la Febiac montre que le CO2 par véhicule en Belgique en 2015 est de 120gr/km (118,9 pour être précis). Une Tesla Model S a une consommation en énergie de 181 Wh/km (chiffres provenant de Tesla). Le tout est donc de pouvoir calculer combien la production d'électricité rejette de CO2 afin de pouvoir estimer ce que "pollue" réellement une Tesla Model S. D'après les chiffres d'électrabel, en 2014 nous étions à 181g de CO2 le kWh en moyenne pour la production d'électricité en Belgique. Cela comprend donc les centrales nucléaires, centrales TGV, l'éolien, etc.. Pour information, nos voisins Français ont de meilleurs chiffres avec 79gr de CO2 par kWh, mais nos amis chinois sont certainement dans les plus mauvais, rejetant quant à eux, pas moins 766g de CO2 par kWh. Les bons résultats de la France sont obtenus par le fait qu'ils utilisent à 80% de l'énergie nucléaire. Le nucléaire est à l'heure actuelle, l'électricité qui a le meilleur rendement (30%) tout en rejetant le moins de CO2. Le mauvais élève est encore toujours le charbon, utilisé massivement par certains pays comme la Chine ou le Japon.
Votre Tesla aura donc une empreinte carbone différente en fonction du pays dans lequel elle sera utilisée. Ainsi, pour reprendre l'exemple de la Belgique, une tesla émettra donc 32gr de CO2 par km. Comparativement, un véhicule moderne de type BMW F30 320d efficient dynamics émet 99gr d'après les cycles NEDC. Vous allez me dire que les chiffres NEDC ne valent pas grand chose, lorsque l'on sait ce que la voiture consomme réellement, mais sachez que chez Tesla, on est pas les derniers à tricher sur les chiffres de la consommation électrique. Ainsi, certaines sources parlent d'une augmentation de 33% par rapport à ce qui est annoncé par le constructeur, ce qui n'est pas loin de ce que nous observons sur les cycles NEDC actuels.
L'écart est donc significatif pour la Tesla comparativement à la BMW, mais doit-on s'arrêter là ?
Non pas du tout. Si on veut être tout à fait juste, il faut aussi compter combien d'énergie il faut pour extraire le combustible (essence/diesel) jusqu'à l'acheminement dans les pompes à essence, comme le serait l'électricité vers un supercharger. Sur base de sources de l'ADEME, il faut compter 15% supplémentaires de CO2/km pour tenir compte de cet acheminement, ce qui ramène notre F30 320d de comparaison, à 114gr de CO2/km. Mais n'oublions pas non plus, concernant la Tesla, qu'il y a également des pertes d'énergie électrique entre la borne de chargement et la Tesla qu'un organisme américain a estimé à 6%. A cela doit être ajouté, 15% de CO2 supplémentaires liés à la production de batteries au Lithium. Cela ramène à 39gr/km notre Tesla. Mais ce n'est pas tout. Le point faible de la Tesla sont ses pertes d'énergie au repos. En effet, le véhicule n'est jamais réellement éteint, mais en veille. Ce qui permet d'ailleurs à Tesla de procéder à des mises à jour en ligne pendant que le véhicule est à l'arrêt ou encore de détecter des anomalies. Ces pertes sont estimées à 5.1 kWh par jour, ce qui n'est pas rien. Donc, 5.1kWh est égal à 200gr de CO2 environ par jour et sachant que le Belge parcourt chaque jour environ 40km (sources statbel), cela ajoute donc 23gr/km de CO2 à cette Tesla. Nous arrivons donc à 62gr/km.
Bien que déjà précise, cette analyse pourrait vraiment l'être plus encore, si on tient compte du coût énergétique de la production du véhicule. Cela comprenant donc : le métal qu'il faut extraire, l'électricité pour les machines et plus encore, de l'extraction du lithium pour les batteries dans le cas de la Tesla.
Si l'on reprend les données d'un article du Gardian, la production en CO2 d'un véhicule équivalent à notre Série 3 320d serait de 17 tonnes de CO2. Ce résultat doit se voir amortir par le nombre de kilomètre que l'on va effectuer avec le véhicule pour ramener cela en km. Cette dernière donnée est très difficile à trouver de manière officielle, mais on estime à environ 200.000km la durée de vie d'un véhicule ordinaire. Ce qui revient à dire qu'il s'agit de 85gr de CO2 supplémentaires par kilomètre, résultat édifiant ! Concernant la Tesla, on parle d'un chiffre assez proche de 16 tonnes de CO2, soit 80gr de CO2 par km. Bien que nous pourrions aller encore plus loin dans le raisonnement, en calculant par exemple l'emprunte carbone issue du recyclage des batteries (information que je n'ai malheureusement pas pu obtenir de manière précise), j'ai décidé que cette première approche était déjà assez précise pour se faire une première idée de l'empreinte carbone réelle entre ces deux véhicules.
Ainsi, l'addition de ces différentes données nous amène à un chiffre de 191gr/km de CO2 pour la BMW contre ... 142gr/km de CO2 pour notre Tesla Model S. On pourrait bien entendu parler du coût à l'entretien qui est plus faible pour une Tesla mais qui est contre balancé par l'effet mémoire, certes léger, des batteries au lithium qui perdent en efficacité et qui doivent, à terme, être remplacées (bien qu'il y ait 8 ans de garantie sur ces dernières).
Conclusion
Ces chiffres pourraient vous convaincre d'acheter un véhicule électrique car, quoi qu'on en dise, le véhicule électrique, c'est réellement l'avenir. Le véhicule électrique d'aujourd'hui est malheureusement dépendant du type d'énergie utilisé pour produire l'électricité ainsi, si notre comparatif s'est soldé par un avantage pour la Tesla, le résultat serait complètement inversé si nous avions pris un pays comme les USA ou encore la Chine pour y réaliser le même développement.
Ce qu'il faut surtout retenir c'est qu'il est plus facile de changer les centrales TGV ou encore à charbon, en centrales à électricité renouvelable, que de changer les mentalités et tout le parc automobile. Ainsi, même si demain tout le monde passait sur une Tesla et que l'impact sur le CO2 serait pour ainsi dire inchangé, il n'en demeure pas moins qu'il pourrait drastiquement baisser si en amont, les fournisseurs d'énergies virent au vert. C'est d'ailleurs ce qui devrait se passer si on veut respecter les 2°c maximum fixés par la COP21.
Espérons toutefois que, d'ici là, les autorités belges n'auront pas trouvé, à l'instar de Singapour, le moyen de taxer l'électrique en fonction de l'empreinte carbone réelle. Si c'est le cas, on ferait un grand pas en arrière car cela reviendrait à dire qu'une personne ayant fait le choix de rouler en électrique, et donc qui roule sans dégager d'émissions polluantes, devrait payer des taxes pour une électricité qui n'est pas verte. Dans ce cas, quid alors de la personne qui rechargerait sa batterie via ses propres panneaux solaires. Bref, même s'il est précoce de parler taxes, sachez que la vente des véhicules électriques décollera lorsque l'état aura trouvé le moyen de les rendre aussi rentables pour eux que ce que l’est (ou l'a été) l'essence ou le diesel.